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« Les mutations contemporaines de la santé : regards croisés, questions augmentées »

Dpt SHS

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campus Victoire

Le colloque « Les mutations contemporaines de la santé : regards croisés et questions augmentées » qui se tiendra les 28 et 29 Novembre 2024 à l’Université de Bordeaux. Cet événement rassemblera des chercheurs, des jeunes chercheurs, des professionnels et des responsables institutionnels pour discuter des transformations majeures et des défis actuels dans le domaine de la santé. L’objectif de ce colloque est aussi de visibiliser les travaux actuellement en cours dans les équipes du périmètre « Santé / UB / CHANGES », de mettre un coup de projecteur sur les thématiques émergentes et de susciter des rapprochements interdisciplinaires. Ce sera également un moment pour rapprocher les collègues intéressés par les questions de santé de Changes des collègues du département santé publique, dans l’espoir de susciter des échanges et projets interdisciplinaires fructueux.

Covid-19, pénurie de médicaments, déserts médicaux, crise de l’hôpital, transhumanisme et neuro-augmentation, applications numériques santé, maladies chroniques et vieillissement, zoonoses, protection des données, bioéthique et aide à la fin de vie, marchandisation… Jamais à un tel niveau, les questions de santé ne se sont imposées comme des enjeux structurants de nos sociétés. Le moteur de ces mutations semble sans fond : entre le souci de soi individualiste, la demande croissante de protection face aux aléas, et l’émergence de nouveaux acteurs proposant clef en main des services visant le bien-être et la gestion des risques. Hier cantonnée à la lutte contre la maladie, les frontières de la santé éclatent et obligent les chercheurs à changer de regard, d’échelles et parfois de méthodes.

La crise du Covid a montré encore une fois notre interdépendance globale et l’urgence de relier les questions environnementales à la santé humaine et animale. Un nouveau courant (One Health) cherche à irriguer les politiques publiques et requiert une place importante aux SHS. L’approche institutionnelle classique, qui a renvoyé le social et le sanitaire dans deux sphères étanches - elles-mêmes très hiérarchisées - peine également à relever les défis de santé publique, notamment dans les populations les plus vulnérables, le vieillissement, les situations de migration, dans les espaces ruraux ou écologiquement dévastés et au Nord autant qu’au Sud. Même en France et en Europe, les inégalités de santé, entre catégories sociales, entre sexes ou entre régions, restent des préoccupations importantes. La mortalité prématurée renvoie à ces inégalités et souligne le désinvestissement de politiques de prévention dans les populations vulnérables. Déjà, l’épidémie de Sida nous avait adressé de cruelles leçons sur les blocages du système de santé français, son déséquilibre en défaveur de la prévention, ou sa cécité des causes sociales de la mortalité prématurée ; au niveau international, l’épidémie de Sida et la pandémie de Covid ont révélé les inégalités de santé dans la réponse et la capacité de prise en charge par les systèmes de santé et de protection sociale des différents pays. C’est aussi dans ce contexte que les questions de santé mentale ont pris une nouvelle dimension inflationniste entre pathologie sociale et nouveau langage de la plainte, laissant planer un sentiment de dérive qui laisse impuissants les professionnels de santé et les tutelles sanitaires. Paradoxalement, la sanitarisation de toutes les sphères sociales connaît une accélération inédite : c’est à l’aune de la santé que tous les problèmes sociaux (et politiques) semblent redéfinis. Le contexte s’y prête : la santé serait le dernier refuge du progrès. Les innovations médicales (biotechnologies, génomique...) et numériques (IA, Big Data, télémédecine, robotique…) ravivent les utopies de la « santé parfaite » et sont parfois fantasmées comme la solution aux problèmes, mais génèrent de nouvelles inégalités et induisent des questionnements éthiques et de prises en charge face à leur coût ; inversement, elles sont parfois mobilisées pour compenser les inégalités de santé ou en réduire les coûts (désertification médicale et télémédecine), tandis que des interventions plus frugales et moins « technologiques » sont dans certains contextes privilégiées comme solutions de santé publique (vaccins vs procédures de protection dans le cadre du Covid). Les interrogations sur le vivant, le corps et l’intime traversent aussi nos sociétés, entre injonction à la santé, nouvel hygiénisme culpabilisant, floutage éthique et responsabilisation de chacun dans le contrôle de son destin biologique et son identité personnelle, usant ici de chirurgie, ici de substances psychoactives. À qui appartient la santé et qui en est responsable ? Sur ce plan, les lignes bougent dans un contexte de déclin de l’État providence et de montée en puissance de nouveaux leaderships sanitaires (agences internationales et compagnies privées). Qu’est-ce qu’être protégé ? En parallèle, les transformations des formes d’organisation du travail – par exemple avec la montée du travail à la tâche et plateformisé – ainsi que les inégalités vis-à-vis de la santé que portent les différentes activités et trajectoires professionnelles reposent la question des liens entre travail et santé, thématique à la fois fondatrice du droit du travail et sur laquelle se positionne l’Université de Bordeaux dans la réponse à l’AMI SHS (projet WI-CAREs).

Dans ce contexte d’interactions toujours plus complexes, les enseignements et les savoirs issus des sciences sociales deviennent vitaux tant il est nécessaire d’en éclairer les enjeux et de prendre du recul sur des évolutions qui semblent échapper aux acteurs sociaux. En santé, les enjeux démocratiques sont encore devant nous. Les institutions publiques de régulation d’un côté, les stratégies de compagnies marchandes de l’autre rognent l’espace pour la participation des citoyens, des structures communautaires ou des familles des malades. Au-delà, c’est toute l’interrogation en termes de valeurs qui semble expulsée par l’idéalisme techniciste et la rationalité marchande. La santé est aussi le passage du « bien vivre » à la « bonne vie ». Pour les sciences sociales, jouer ce rôle ambitieux passe aussi sans doute par une prise en compte de la nécessité d’actualiser ses questionnements par des approches plus intégrées entre sciences du vivant, de la santé et SHS, sans renoncer à sa dimension critique et citoyenne.

Par ailleurs, face aux mutations contemporaines multiformes de la santé, il semble important de poursuivre nos interrogations sur les corps lorsqu'ils sont l'objet de « transformations », qui engagent l'identité sexuelle. Que ces corps soient soumis à des interventions pratiquées par des professionnels de la santé qui, sans intentionnalité, prennent part à leur « mise aux normes » pour assigner une identité sexuelle (on peut penser au recours à la chirurgie dans le cas d'intersexuation pour réparer une « ambiguïté sexuelle » et attribuer à la personne un sexe masculin ou féminin), ou à leur "réparation" (par les chirurgies réparatrices après excision, par exemple), ou que ces corps "racontent" les mises en forme individuelles, une question se pose : celle des corps en tension entre des intentions, des désirs individuels, et l'enjeu du collectif - voire du global - face à ces dynamiques individuelles.

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